Après une intervention à l’ONU, réaffirmant l’occupation russe des territoires d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, dénonçant le jeu russe néo-colonial dans l’espace post-soviétique, Mikheïl Saakachvili, président géorgien depuis janvier 2004, à l’issue de la révolution des Roses, se prépare à accueillir Nicolas Sarkozy, attendu courant octobre dans le Caucase Sud. Au programme : l'entrée de la Russie dans l'OMC.
Quatre années ont passé depuis la guerre russo-géorgienne d'août 2008 et pourtant, au regard de la résolution du conflit - dont les lauriers ont été attribués à Nicolas Sarkozy, alors Président de l’Union - les accords de cessez-le-feu sont loin d’avoir été respectés par la Fédération russe. L’ennemi juré de Mikheïl Saakachvili qu’est Vladimir Poutine n’a rien lâché quant aux territoires sécessionnistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, poursuivant leur intégration progressive dans la Fédération à coup d’installation de troupes militaires et de personnels administratifs, de jeux politiques et de développement d’infrastructures.
Alors que les relations diplomatiques sont rompues entre les deux pays, les pourparlers de Genève dont la Suisse est le médiateur semblent dans l’impasse. La Russie qui travaille sans relâche à son entrée dans l’OMC prévue pour la fin de l’année, voit la petite république d’Irréductibles comme le seul obstacle à son accession, la majorité absolue des membres étant requise et la Géorgie s’obstinant à poser son véto.
Dans l’ombre, les chancelleries européennes et américaines travaillent à négocier ce vote géorgien dans la perspective d’une entrée rapide de la Russie dans l’Organisation. Lors d’une rencontre en marge de l’assemblée générale de l’ONU le 26 septembre dernier, Hilary Clinton s’est entretenue avec son homologue Grigol Vashadzé ainsi qu’avec Giga Bokeria, secrétaire du Conseil national de sécurité géorgien. Au menu : le renforcement des troupes géorgiennes en Afghanistan, mesure présentée comme nécessaire par le gouvernement géorgien pour poursuivre la modernisation de son armée ; la transparence des élections parlementaires et présidentielles de 2013 en Géorgie ; et l’entrée de la Russie dans l’OMC, qui selon la Secrétaire d’Etat, doit être réglée dans le cadre des pourparlers de Genève.
Entre deux chaises, l’Union Européenne comme les Etats-Unis – dont la coopération avec la Russie n’a jamais été plus approfondie, notamment pour le Vieux continent –continuent de soutenir l’indépendance et la souveraineté géorgienne, du moins déclarativement. De l’espace post-soviétique, hormis les pays Baltes, la Géorgie reste la seule république à oser tenir tête au voisin russe.
Après une période d’affrontement matérialisée par l’embargo russe de 2006 sur les produits géorgiens – toujours en vigueur aujourd’hui – et la guerre d’août 2008, l’équipe Saakachvili a fait le choix de l’ouverture et de la provocation idéologique. Face à l’occupation de fait de 20% du territoire géorgien par les forces russes, Tbilissi a réalisé son impuissance militaire à récupérer ces deux territoires. Une stratégie d’ouverture s’est alors progressivement mise en place : ouverture d’un point de passage à Larsi dans le Grand Caucase pour le transit des marchandises par camion entre la Fédération russe et les républiques d’Arménie et d’Azerbaïdjan ; mise en place d’un régime libre de visa de 90 jours pour les citoyens des républiques russes du Caucase Nord avec droit de passage en voiture ; construction de la station balnéaire d’Anaklia à la frontière administrative abkhaze, à la barbe des troupes russes, etc. Et ce avec succès. Les plaques d’immatriculations russes sillonnent à nouveau le pays, les marchandises également, les touristes sont de retour en masse, qu’ils viennent d’Ukraine, d’Europe, d’Israël, d’Iran, d’Arménie, d’Azerbaïdjan, d’Asie Centrale…
Dans le symbolique, il faut reconnaître à Mikheïl Saakachvili un certain talent doublé d’une imagination ingénieuse, dont le but premier est atteint non sans mal : troubler l’idylle du couple russe, tout-puissant au Nord. Dans cette guerre idéologique, le président géorgien ne manque pas une occasion de faire la promotion de sa croisade.
« La Guerre froide est terminée, mais certains dirigeants doivent encore le réaliser et arrêter de raisonner en termes de sphères d’influence, de domination de l’étranger proche et de jeux à sommes nulles. La Guerre froide est terminée, mais embargo, blacklisting et diktats brutaux sont toujours d’usage contre l’Ukraine, la Moldavie ou la Biélorussie. La Guerre froide est terminée mais même les pays Baltes doivent faire face à des manipulations de leurs paysages politiques et à des jeux néo-coloniaux via leurs minorités ethniques », déclarait Mikheïl Saakachvili, le 22 septembre lors de son discours devant l’Assemblée générale de l’ONU.
Accusant le jeu ethnique et religieux attisé dans le Caucase Nord par les autorités russes, il qualifie la région de « trou noir », souffrant de « violence brutale avec le déplacement et l’exécution de dizaines, de centaines de milliers de ses habitants ». Il y oppose l’ouverture et les libertés géorgiennes, qui attirent indéniablement l’intérêt des populations du Nord Caucase.
Publié le 28 septembre 2011
Pour information, le pont en pin présent sur la photo d'Anaklia a depuis été démonté. Ne restent que les fondations en béton. Apparemment, d'après un documentaire géorgien (http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=8AIleki9BZw), le pont devrait être remonté prochainement en Svanétie, le nouvel eldorado touristique voulu par Mikheïl Saakachvili, qui devrait inaugurer le pont en grandes pompes. Une seconde fois ? Qu'à cela ne tienne ! Pour ce qui est d'Anaklia, l'oeuvre devait être réalisée par une compagnie allemande qui n'a pas pu tenir les délais irréels pour l'inauguration fin août 2011.
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