29 déc. 2011

Ivanishvili, un mystérieux oligarque contre le président Saakachvili

Francophile et francophone, mécène apparemment désintéressé, l'homme le plus riche de Géorgie assure vouloir aider son pays à recouvrer ses libertés bafouées. Publication sur slate.fr :

http://www.slate.fr/story/48105/ivanishvili-saakachvili-georgie

©slate.fr

28 nov. 2011

Bera, la subversive midinette géorgienne

Bera. Un prénom commun pour un géorgien. Nom ? Ivanishvili. Le second fils de l’oligarque Bidzina Ivanishvili, chanteur à ses heures, peu voire pas écouté du tout sur les ondes occidentales, soutient le projet politique pacifique de son père de voir l’alternance et l’état de droit respectés en Géorgie

Suivi par plus de 170000 personnes sur Facebook, l’adolescent né à Paris, formé à NYC, est récemment devenu l’étoile montante du Caucase aux côtés de son père. L’un en chanson, l’autre en politique.

Depuis début octobre, la saga démarrée en trombe suite à la décision du père de s’occuper des affaires publiques du pays déchaîne les passions dans la petite république géorgienne. Homme le plus riche de Géorgie avec une fortune estimée à cinq milliards de dollars selon Forbes, Bidzina Ivanishvili défie le président Mikheïl Saakachvili, figure de la révolution des Roses installé confortablement au pouvoir depuis 2004.

Alors que le père sort d’une ombre particulièrement bien protégée depuis son retour de Russie il y a neuf ans, le fils se donne à voir sur les réseaux sociaux. Bera, qui jouait du violon à l’âge de cinq ans et du piano deux ans plus tard, a fait de la musique une carrière. L’aisance financière aidant, il rencontre et travaille avec les plus grands, de Snoop Dogg à MC Solaar, et compte parmi les producteurs de ses débuts Rob Fusari, producteur de Lady Gaga, et Rodney Jerkins, producteur de Michaël Jackson.

Il fait néanmoins vraisemblablement dans la niaiserie pour midinettes. Pour s’en faire une idée, écoutons sans en abuser un petit brin de lovely things.

Le chanteur au physique albinos dit vivre de ses rêves, un peu comme Mickey. Le monde de Bera – il suffira de passer une journée avec lui pour s’en rendre compte – est constellé de bonbons, de gardes du corps attentifs et de fringues hype.

Depuis l’une des trois résidences titanesques de papa à Tbilissi, Chorvila ou encore Ouréki sur les rives de la mer Noire, la Géorgie de Bera, où se côtoient dauphins et zèbres sur fond de Picasso à 95 millions de dollars, a sans doute un peu de ce parc féérique de Marne-la-Vallée. Si non loin du RER on appelle les petits et les grands à « vivre leurs rêves », Bera, lui, veut aujourd’hui faire vivre le rêve géorgien dans son pays.


« L’occurrence de l’espoir. Ensemble nous pouvons tout. J’ai rêvé toute ma vie de ce rêve géorgien (…) Nous sommes tous Géorgiens, de vrais Géorgiens. Georgian Dream, le rêve géorgien. Des pieds à la tête, nous sommes tous Géorgiens. Géorgiens. Géorgiens ».

Certes faible en poésie, le morceau de rap lui permet au moins de quitter un temps ses figurantes nord-américaines en plastique pour retrouver quelques jeunes compatriotes le temps d’une marche subversive. Posté le 14 octobre dernier sur son profil Facebook, le titre a fait le tour du pays et de la diaspora, suscitant l’engouement politique plus que musical. Désolé Bera, mais il faut dire ce qui est !

La distribution de t-shirts dans le clip, marqués du sceau de sa maison de production, n’est pas sans évoquer un appel au rassemblement, un appel à la défiance au pouvoir en place particulièrement peu friand des manifestations de protestation. D’autant que le logo en question est adopté par le mouvement politique fondé par son père quelques jours plus tard, suite à sa déchéance de nationalité par le président Mikheïl Saakachvili, ce dernier souhaitant écarter le dangereux candidat des élections parlementaires de 2012 et présidentielles de 2013.

Des Géorgiens portant le t-shirt « Georgian dream » auraient été arrêtés, quant à l’imprimeur il aurait été contraint de mettre la clé sous la porte. La Cartu Bank, propriété de Bidzina Ivanishvili en Géorgie, a été placée sous contrôle judiciaire pour blanchiment d’argent.

En un mois, la politique géorgienne est sortie de sa torpeur et prend un nouveau coup de jeune (La révolution des Roses de 2003 n’avait amené au pouvoir que des trentenaires dont Mikheïl Saakachvili, ndlr). Pour l’heure, Bera pousse la chansonnette tandis que Bidzina s’essaye aux conférences de presse, multipliant les rencontres afin de recouvrer sa nationalité, condition sine qua non à une candidature politique. Dernière en date, Ilia II, le patriarche catolicos géorgien, qui a appelé le Président à restaurer la citoyenneté de l’oligarque. Georgian dream vs. Misha (Mikheïl Saakacvhili, ndlr), bienvenue sur le ring caucasien.

Pour ceux qui en revoudraient, en mode atlantic-soap, Mère.

28 oct. 2011

Ivanishvili, l’oligarque qui fait trembler Mikheïl Saakachvili

Après avoir fait valoir son intention de concourir à l’élection présidentielle, Bidzina Ivanishvili s’est vu en deux semaines déchoir de sa nationalité et attaquer par les autorités de Tbilissi. Accusé d’être au service du Kremlin, le mécène francophile qui fit sa fortune en Russie – estimée à 5,5 Md selon Forbes – fait trembler le pouvoir en place.


Le 5 octobre dernier, Bidzina Ivanishvili, jusqu’à lors peu audible et peu visible car volontairement éloigné des journalistes et de la politique, annonce sa décision « d’établir un parti politique afin de participer aux élections parlementaires de 2012 ».

Le 7 octobre, il persiste et signe, publiant via son service de presse une interview plus longue, explicitant ses motivations pour entrer en politique. « Le monopole total du pouvoir et des amendements constitutionnels par le président Saakachvili, qui révèle clairement ses intentions de rester à la tête qu’elles que soient les échéances, ont motivé ma décision de fonder un parti et de concourir aux élections parlementaires de 2012 », écrit-il. Accusant Mikheïl Saakachvili d’avoir commis des « erreurs impardonnables », il dénonce l’obstination d’un Président qui face à ses errements « comme tout homme politique équilibré, devrait avoir quitté la politique et demandé pardon à son peuple ».

L’oligarque condamne le régime issu de la révolution des Roses, décrivant une omerta sur le milieu des affaires au travers de la pression exercée par les services fiscaux et judiciaires dans le seul intérêt d’enrichissement du groupe Saakachvili. Il parle de la dispersion par la force des manifestations publiques durant lesquelles des participants disparaîtraient, suscitant la terreur des populations, et dénonce les « mensonges » qui abreuvent le discours médiatique dans lequel Saakachvili se positionnerait en héros, semant une totale confusion dans un environnement politico-économique indéchiffrable, où l’opposition ne serait là que pour le décor.

L’homme en question, propriétaire aujourd’hui de trois vastes propriétés ultra-sécurisées en Géorgie, s’est enrichi en Russie dans les années 1980-1990 avant de revenir s’installer dans son pays natal il y a une dizaine d’années, multipliant discrètement le financement de projets et les œuvres de charité. Sa fortune, il la crée suite à des études d’ingénierie et d’économie, se lançant au début des années 1980 dans l’import de produits informatiques en Géorgie puis en Russie. Le million en poche, il fonde la banque Rossiiskii Kredit qui lui permet de profiter des privatisations post-soviétiques, décuplant ses avoirs.

La maison de Bidzina Ivanishvili à Tbilissi

Aujourd’hui, « contraint de s’engager face à la dégradation de la situation », Bidzina Ivanishvili annonce la vente de ses actifs en Russie qui représentent un tiers du capital de son groupe, Cartu, et l’abandon de ses nationalités russe et française, afin de ne susciter aucune controverse.

Il va sans dire que les réactions sont nombreuses face à la soudaine vocation d’Ivanishvili, qui convoque déjà les personnalités qu’il souhaite rallier. Guia Khukhashvili, critique et analyste politique, décline la proposition mais avertit la plèbe du potentiel politique de l’homme suite à un entretien en tête-à-tête avec le mystérieux oligarque : « La société (géorgienne, ndlr) sera surprise car beaucoup de mythes entourent cette personnalité et il est dit que sa communication au grand public sera difficile. Eh bien, détrompez-vous ». Irakli Alasania, ancien membre du Mouvement National (le parti au pouvoir, ndlr), ambassadeur géorgien à l’ONU durant le conflit d’août 2008 devenu figure de l’opposition, accepte lui la proposition et ouvre la voie à une coopération.

Du côté du Mouvement National les critiques vont bon train. « La Russie et Vladimir Poutine veulent acheter le futur de la Géorgie avec l’argent de l’oligarque russe Bidzina Ivanishvili », déclare Nougzar Tsiklauri, membre du parti. « Il n’y aura jamais d’argent russe en politique en Géorgie, qu’il soit prêté ou accordé par Poutine », renchérit Pavle Koublashvili, président du comité parlementaire aux affaires légales. La contre-attaque est classique dans les rangs du pouvoir quand il s’agit de remettre en question l’ordre établi depuis la révolution des Roses : Ivanishvili est un ennemi du peuple, vendu aux Russes, c’est le bras droit armé de Poutine. L’analyse est immédiatement relayée à grande échelle par les médias.

Le 11 octobre, la nouvelle tombe : Bidzina Ivanishvili n’est pas citoyen géorgien… La rumeur est confirmée dans la journée par l’agence en charge de l’état civil auprès du ministère de la Justice, contresignée par la Présidence. Version officielle : le magnat s’est vu supprimer automatiquement sa nationalité du fait de l’obtention par la suite de la nationalité française. Sans l’en informer. Cela ne l’empêchera pourtant pas de voter en 2010 avec sa carte d’identité géorgienne qui lui avait été remise sur ordre de Mikheïl Saakachvili en 2004 pour répondre aux « intérêts de l’Etat ».

Le 14 octobre, Bera, le fils rappeur de Bidzina, publie sur son profil Facebook son un clip intitulé « Georgian dream » qu’il dédie à son père, appelant la Géorgie à s’unir et à poursuivre le rêve. Quelque peu subversif au regard du contexte politique, le succès est immédiat. Plus de 10.000 partages et de multiples relais se mettent en place sur la toile. A Tbilissi, plusieurs personnes portant des t-shirts sont arrêtées et le même sort est réservé aux potentiels imprimeurs, mais la pompe semble déjà amorcée. Pour ou contre, l’affaire suscite déjà l’engouement et les prises de positions se multiplient dans la blogosphère et sur les réseaux sociaux.

Le 18, un camion blindé de la Cartu Bank, propriété principale d’Ivanishvili en Géorgie, est saisi par les forces de police lors d’un transfert depuis la Banque de Géorgie, banque commerciale aux liens ténus avec l’Etat. Deux millions de dollars et un million d’euros en petites coupures sont saisis. L’institution de l’oligarque est immédiatement accusée de blanchiment d’argent. Jusqu’alors, ces officiels transferts hebdomadaires de liquidité avaient lieu chaque semaine, sans trouble. Etrange.

Le dôme du palais présidentiel depuis le quartier de Sololaki

Face aux attaques, la première fortune de Géorgie – devant l’Etat géorgien lui-même – ne se dégonfle pas et multiplie les interviews depuis son quartier général colossal qui domine la capitale, au sommet de la montagne opposée au palais présidentiel. Avouant être « non-préparé » à entrer en politique en l’absence d’équipe constituée, Bidzina Ivanishvili promet de résoudre ce problème rapidement. Quant à sa déchéance de nationalité, « s’ils m’excluent des élections de cette façon, elles ne seront pas légitimes ». Affaire à suivre…


19 oct. 2011

La Russie dans l'OMC conditionnée à la voix géorgienne

Après une intervention à l’ONU, réaffirmant l’occupation russe des territoires d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, dénonçant le jeu russe néo-colonial dans l’espace post-soviétique, Mikheïl Saakachvili, président géorgien depuis janvier 2004, à l’issue de la révolution des Roses, se prépare à accueillir Nicolas Sarkozy, attendu courant octobre dans le Caucase Sud. Au programme : l'entrée de la Russie dans l'OMC.


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Mikheïl Saakachvili @AP


Quatre années ont passé depuis la guerre russo-géorgienne d'août 2008 et pourtant, au regard de la résolution du conflit - dont les lauriers ont été attribués à Nicolas Sarkozy, alors Président de l’Union - les accords de cessez-le-feu sont loin d’avoir été respectés par la Fédération russe. L’ennemi juré de Mikheïl Saakachvili qu’est Vladimir Poutine n’a rien lâché quant aux territoires sécessionnistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, poursuivant leur intégration progressive dans la Fédération à coup d’installation de troupes militaires et de personnels administratifs, de jeux politiques et de développement d’infrastructures.

Alors que les relations diplomatiques sont rompues entre les deux pays, les pourparlers de Genève dont la Suisse est le médiateur semblent dans l’impasse. La Russie qui travaille sans relâche à son entrée dans l’OMC prévue pour la fin de l’année, voit la petite république d’Irréductibles comme le seul obstacle à son accession, la majorité absolue des membres étant requise et la Géorgie s’obstinant à poser son véto.

Dans l’ombre, les chancelleries européennes et américaines travaillent à négocier ce vote géorgien dans la perspective d’une entrée rapide de la Russie dans l’Organisation. Lors d’une rencontre en marge de l’assemblée générale de l’ONU le 26 septembre dernier, Hilary Clinton s’est entretenue avec son homologue Grigol Vashadzé ainsi qu’avec Giga Bokeria, secrétaire du Conseil national de sécurité géorgien. Au menu : le renforcement des troupes géorgiennes en Afghanistan, mesure présentée comme nécessaire par le gouvernement géorgien pour poursuivre la modernisation de son armée ; la transparence des élections parlementaires et présidentielles de 2013 en Géorgie ; et l’entrée de la Russie dans l’OMC, qui selon la Secrétaire d’Etat, doit être réglée dans le cadre des pourparlers de Genève.

Entre deux chaises, l’Union Européenne comme les Etats-Unis – dont la coopération avec la Russie n’a jamais été plus approfondie, notamment pour le Vieux continent –continuent de soutenir l’indépendance et la souveraineté géorgienne, du moins déclarativement. De l’espace post-soviétique, hormis les pays Baltes, la Géorgie reste la seule république à oser tenir tête au voisin russe.

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La nouvelle station balnéaire d'Anaklia à la frontière administrative abkhaze @louisantoinelemoulec


Après une période d’affrontement matérialisée par l’embargo russe de 2006 sur les produits géorgiens – toujours en vigueur aujourd’hui – et la guerre d’août 2008, l’équipe Saakachvili a fait le choix de l’ouverture et de la provocation idéologique. Face à l’occupation de fait de 20% du territoire géorgien par les forces russes, Tbilissi a réalisé son impuissance militaire à récupérer ces deux territoires. Une stratégie d’ouverture s’est alors progressivement mise en place : ouverture d’un point de passage à Larsi dans le Grand Caucase pour le transit des marchandises par camion entre la Fédération russe et les républiques d’Arménie et d’Azerbaïdjan ; mise en place d’un régime libre de visa de 90 jours pour les citoyens des républiques russes du Caucase Nord avec droit de passage en voiture ; construction de la station balnéaire d’Anaklia à la frontière administrative abkhaze, à la barbe des troupes russes, etc. Et ce avec succès. Les plaques d’immatriculations russes sillonnent à nouveau le pays, les marchandises également, les touristes sont de retour en masse, qu’ils viennent d’Ukraine, d’Europe, d’Israël, d’Iran, d’Arménie, d’Azerbaïdjan, d’Asie Centrale…

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Le poste frontière de Larsi, point unique de transit depuis la Russie @louisantoinelemoulec


Dans le symbolique, il faut reconnaître à Mikheïl Saakachvili un certain talent doublé d’une imagination ingénieuse, dont le but premier est atteint non sans mal : troubler l’idylle du couple russe, tout-puissant au Nord. Dans cette guerre idéologique, le président géorgien ne manque pas une occasion de faire la promotion de sa croisade.

« La Guerre froide est terminée, mais certains dirigeants doivent encore le réaliser et arrêter de raisonner en termes de sphères d’influence, de domination de l’étranger proche et de jeux à sommes nulles. La Guerre froide est terminée, mais embargo, blacklisting et diktats brutaux sont toujours d’usage contre l’Ukraine, la Moldavie ou la Biélorussie. La Guerre froide est terminée mais même les pays Baltes doivent faire face à des manipulations de leurs paysages politiques et à des jeux néo-coloniaux via leurs minorités ethniques », déclarait Mikheïl Saakachvili, le 22 septembre lors de son discours devant l’Assemblée générale de l’ONU.

Accusant le jeu ethnique et religieux attisé dans le Caucase Nord par les autorités russes, il qualifie la région de « trou noir », souffrant de « violence brutale avec le déplacement et l’exécution de dizaines, de centaines de milliers de ses habitants ». Il y oppose l’ouverture et les libertés géorgiennes, qui attirent indéniablement l’intérêt des populations du Nord Caucase.

Sur la scène internationale, assagi et fort de ses déboires diplomatiques au sortir du conflit de 2008, Mikheïl Saakachvili a appris à composer et à faire valoir les intérêts de sa petite république, mineurs face à ceux d’un géant énergétique et minier tel que la Russie. Après cette intervention à l’ONU, arène de promotion des achèvements de sa mutation, Tbilissi travaille à la rénovation de sa place de la Liberté, au cœur de la capitale géorgienne, où Nicolas Sarkozy est attendu courant octobre pour y réaffirmer le principe de souveraineté et d’intégrité territoriale, tout en discutant en coulisse du monnayage du vote géorgien à l’entrée de la Russie dans l’OMC…

Publié le 28 septembre 2011

22 août 2011

Oni, capitale juive du Caucase

Oni, au coeur de la région géorgienne montagneuse du Ratcha, est la capitale des Juifs du Caucase. A la Synagogue, il n'y a pas foule. Il resterait une trentaine d'entre-eux. Depuis la chute de l'Empire rouge, ils sont près de 1500 a avoir émigré vers Israël, en quête d'un avenir meilleur.