28 oct. 2011

Ivanishvili, l’oligarque qui fait trembler Mikheïl Saakachvili

Après avoir fait valoir son intention de concourir à l’élection présidentielle, Bidzina Ivanishvili s’est vu en deux semaines déchoir de sa nationalité et attaquer par les autorités de Tbilissi. Accusé d’être au service du Kremlin, le mécène francophile qui fit sa fortune en Russie – estimée à 5,5 Md selon Forbes – fait trembler le pouvoir en place.


Le 5 octobre dernier, Bidzina Ivanishvili, jusqu’à lors peu audible et peu visible car volontairement éloigné des journalistes et de la politique, annonce sa décision « d’établir un parti politique afin de participer aux élections parlementaires de 2012 ».

Le 7 octobre, il persiste et signe, publiant via son service de presse une interview plus longue, explicitant ses motivations pour entrer en politique. « Le monopole total du pouvoir et des amendements constitutionnels par le président Saakachvili, qui révèle clairement ses intentions de rester à la tête qu’elles que soient les échéances, ont motivé ma décision de fonder un parti et de concourir aux élections parlementaires de 2012 », écrit-il. Accusant Mikheïl Saakachvili d’avoir commis des « erreurs impardonnables », il dénonce l’obstination d’un Président qui face à ses errements « comme tout homme politique équilibré, devrait avoir quitté la politique et demandé pardon à son peuple ».

L’oligarque condamne le régime issu de la révolution des Roses, décrivant une omerta sur le milieu des affaires au travers de la pression exercée par les services fiscaux et judiciaires dans le seul intérêt d’enrichissement du groupe Saakachvili. Il parle de la dispersion par la force des manifestations publiques durant lesquelles des participants disparaîtraient, suscitant la terreur des populations, et dénonce les « mensonges » qui abreuvent le discours médiatique dans lequel Saakachvili se positionnerait en héros, semant une totale confusion dans un environnement politico-économique indéchiffrable, où l’opposition ne serait là que pour le décor.

L’homme en question, propriétaire aujourd’hui de trois vastes propriétés ultra-sécurisées en Géorgie, s’est enrichi en Russie dans les années 1980-1990 avant de revenir s’installer dans son pays natal il y a une dizaine d’années, multipliant discrètement le financement de projets et les œuvres de charité. Sa fortune, il la crée suite à des études d’ingénierie et d’économie, se lançant au début des années 1980 dans l’import de produits informatiques en Géorgie puis en Russie. Le million en poche, il fonde la banque Rossiiskii Kredit qui lui permet de profiter des privatisations post-soviétiques, décuplant ses avoirs.

La maison de Bidzina Ivanishvili à Tbilissi

Aujourd’hui, « contraint de s’engager face à la dégradation de la situation », Bidzina Ivanishvili annonce la vente de ses actifs en Russie qui représentent un tiers du capital de son groupe, Cartu, et l’abandon de ses nationalités russe et française, afin de ne susciter aucune controverse.

Il va sans dire que les réactions sont nombreuses face à la soudaine vocation d’Ivanishvili, qui convoque déjà les personnalités qu’il souhaite rallier. Guia Khukhashvili, critique et analyste politique, décline la proposition mais avertit la plèbe du potentiel politique de l’homme suite à un entretien en tête-à-tête avec le mystérieux oligarque : « La société (géorgienne, ndlr) sera surprise car beaucoup de mythes entourent cette personnalité et il est dit que sa communication au grand public sera difficile. Eh bien, détrompez-vous ». Irakli Alasania, ancien membre du Mouvement National (le parti au pouvoir, ndlr), ambassadeur géorgien à l’ONU durant le conflit d’août 2008 devenu figure de l’opposition, accepte lui la proposition et ouvre la voie à une coopération.

Du côté du Mouvement National les critiques vont bon train. « La Russie et Vladimir Poutine veulent acheter le futur de la Géorgie avec l’argent de l’oligarque russe Bidzina Ivanishvili », déclare Nougzar Tsiklauri, membre du parti. « Il n’y aura jamais d’argent russe en politique en Géorgie, qu’il soit prêté ou accordé par Poutine », renchérit Pavle Koublashvili, président du comité parlementaire aux affaires légales. La contre-attaque est classique dans les rangs du pouvoir quand il s’agit de remettre en question l’ordre établi depuis la révolution des Roses : Ivanishvili est un ennemi du peuple, vendu aux Russes, c’est le bras droit armé de Poutine. L’analyse est immédiatement relayée à grande échelle par les médias.

Le 11 octobre, la nouvelle tombe : Bidzina Ivanishvili n’est pas citoyen géorgien… La rumeur est confirmée dans la journée par l’agence en charge de l’état civil auprès du ministère de la Justice, contresignée par la Présidence. Version officielle : le magnat s’est vu supprimer automatiquement sa nationalité du fait de l’obtention par la suite de la nationalité française. Sans l’en informer. Cela ne l’empêchera pourtant pas de voter en 2010 avec sa carte d’identité géorgienne qui lui avait été remise sur ordre de Mikheïl Saakachvili en 2004 pour répondre aux « intérêts de l’Etat ».

Le 14 octobre, Bera, le fils rappeur de Bidzina, publie sur son profil Facebook son un clip intitulé « Georgian dream » qu’il dédie à son père, appelant la Géorgie à s’unir et à poursuivre le rêve. Quelque peu subversif au regard du contexte politique, le succès est immédiat. Plus de 10.000 partages et de multiples relais se mettent en place sur la toile. A Tbilissi, plusieurs personnes portant des t-shirts sont arrêtées et le même sort est réservé aux potentiels imprimeurs, mais la pompe semble déjà amorcée. Pour ou contre, l’affaire suscite déjà l’engouement et les prises de positions se multiplient dans la blogosphère et sur les réseaux sociaux.

Le 18, un camion blindé de la Cartu Bank, propriété principale d’Ivanishvili en Géorgie, est saisi par les forces de police lors d’un transfert depuis la Banque de Géorgie, banque commerciale aux liens ténus avec l’Etat. Deux millions de dollars et un million d’euros en petites coupures sont saisis. L’institution de l’oligarque est immédiatement accusée de blanchiment d’argent. Jusqu’alors, ces officiels transferts hebdomadaires de liquidité avaient lieu chaque semaine, sans trouble. Etrange.

Le dôme du palais présidentiel depuis le quartier de Sololaki

Face aux attaques, la première fortune de Géorgie – devant l’Etat géorgien lui-même – ne se dégonfle pas et multiplie les interviews depuis son quartier général colossal qui domine la capitale, au sommet de la montagne opposée au palais présidentiel. Avouant être « non-préparé » à entrer en politique en l’absence d’équipe constituée, Bidzina Ivanishvili promet de résoudre ce problème rapidement. Quant à sa déchéance de nationalité, « s’ils m’excluent des élections de cette façon, elles ne seront pas légitimes ». Affaire à suivre…


1 commentaire:

  1. AYANT VECU QUELQUES ANNES AVEC LA FAMILLE IVANISHILI, JE NE PENSE PAS QUE BEDZINA EST UNE CULTURE DEMOCRATIQUE TRES PRONONCEE, AYANT ETE EDUQUE COMME UN APPARATCHIK SOVIETIQUE. SON OBSESSION DE LA SECURITE ET SA VIE EN DEHORS DE TOUTE REALITE ENTOURE DE SA COUR PEUT FAIRE ENCORE PLUS PEUR QUE L'"EXCITE AUTOCRATE" SAKASHVILI. jE NE COMPRENDS PAS SON BUT.

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